Créée pour réguler le financement et la qualité de la formation professionnelle et de l’apprentissage, France Compétences se retrouve aujourd’hui dans une situation de déséquilibre structurel croissant.
Un déséquilibre qui ne cesse de s’aggraver et qui soulève une question centrale : notre modèle de financement de la formation est-il soutenable ?
Un financement incitatif… devenu inflationniste
Depuis la réforme qui a libéralisé l’apprentissage, chaque contrat est financé selon un montant forfaitaire fixé par les branches.
L’objectif était simple : stimuler l’entrée en alternance, fluidifier l’accès à la formation, moderniser l’offre.
Mais cette logique a produit un effet secondaire majeur :
les coûts ont explosé, sans contrôle centralisé ni évaluation systémique.
Des recettes plafonnées, des dépenses en spirale
Le financement de France Compétences repose sur des contributions des entreprises, relativement stables dans le temps.
Or, les dépenses — notamment celles liées à l’apprentissage et au CPF — ont augmenté bien plus vite que les recettes.
En l’absence de mécanismes correcteurs efficaces, l’écart se creuse année après année.
Et c’est l’État qui comble, temporairement, les déficits.
Une régulation par défaut, trop tardive
Plutôt que de piloter les coûts à la source, la régulation se fait en bout de chaîne :
on révise les niveaux de financement, on repousse certaines dépenses, on alerte.
Mais ces ajustements tardifs créent de l’instabilité, sans régler le problème de fond.
La logique est paradoxale :
on incite à former, puis on freine faute de moyens.
Une gouvernance éclatée, un pilotage impuissant
Le système repose sur une chaîne de décision fragmentée :
les branches fixent les règles, les CFA s’ajustent, les OPCO distribuent, et France Compétences tente de suivre.
Mais sans pouvoir réel de régulation, ni de vision stratégique imposée, la logique budgétaire devient une gestion de crise permanente.
Des solutions connues, mais politiquement sensibles
Les pistes existent :
- Redéfinir les priorités en matière de filières et de publics à financer,
- Encadrer les coûts dès la contractualisation,
- Évaluer l’impact réel des formations financées,
- Repenser les marges de manœuvre données à France Compétences.
Mais chaque solution implique des choix politiques :
entre quantité et qualité, entre universalité et ciblage, entre stimulation et maîtrise.
Conclusion : refonder, pas rafistoler
Ce déficit n’est pas une anomalie comptable.
C’est le produit d’un système sous contrainte, mal régulé, et mal aligné avec ses ambitions.
Tant que le pilotage restera éclaté, et que les objectifs resteront flous, aucune solution technique ne suffira.
C’est d’abord une clarification politique qu’il faut :
Que veut-on financer ? Pour qui ? Pourquoi ?
