L’intrapreneur : ce héros incompris du bureau d’en face

Ah, l’intrapreneur. Cette créature hybride, mi-salarié, mi-startuper, qui tente de faire germer des idées neuves dans les jardinières en plastique d’un open-space morne. Il ne crée pas vraiment son entreprise. Non, il fait “comme si”, mais sans l’argent, sans la liberté, et surtout sans la possibilité de dire non à la réunion hebdomadaire sur le plan de sauvegarde des stylos verts.


Le fantasme de l’intrapreneur est séduisant : un salarié qui ose, qui bouscule, qui transforme, et qui surtout, n’a pas du tout besoin de reconnaissance, de moyens, ni d’espace mental. Il suffit qu’il ait “l’esprit d’initiative”, une dose de résilience proche de celle des spartiates, et une foi aveugle en l’innovation dans un cadre ISO 9001.


En réalité, l’intrapreneur est ce collègue qui propose de créer une appli mobile pour les usagers, une refonte du process RH, ou un projet de transition écologique… et qui finit par animer une newsletter interne sur Teams, “faute de budget”.


Il reçoit des prix internes (en chocolat), des félicitations creuses (“c’est super ce que tu fais, continue !”), et un soutien aussi concret qu’un nuage (“on t’appuiera dans tes démarches”). Parfois, il est envoyé à un séminaire avec buffet dinatoire. Voilà. C’est sa prime.


Il n’a ni équipe, ni temps dédié, ni droit à l’échec. Mais il a des post-its, beaucoup de post-its.


Et puis un jour, le projet marche. Il explose. Il aurait pu transformer l’entreprise. Mais là, soudain, l’intrapreneur redevient salarié, et son idée devient propriété de la Direction. Bravo à l’entreprise pour son “audace”, sa “culture de l’innovation” et son “ouverture”.


Lui ? Il est muté dans un pôle transverse. C’est une promotion.




🟢 Moralité ? L’intrapreneuriat en entreprise, c’est un peu comme jouer à la dînette dans une cantine collective : on s’y amuse un peu, mais on finit toujours par manger froid.