Ils sont partout.
Dans vos bureaux, vos usines, vos réunions.
Ils ne portent pas de toge, mais des gilets sans manches.
Ils ne citent pas des prophètes, mais Taiichi Ohno.
Et leur mission sacrée ? Éradiquer le muda. Jusqu’au dernier post-it.
Bienvenue dans le monde merveilleux des ayatollahs du lean management et de la qualité totale.
Tout ce qui dépasse sera coupé
Un mail trop long ? Gaspillage.
Une pause café ? Gaspillage.
Une conversation entre collègues qui ne mentionne pas un indicateur ? Gaspillage.
Leur idéal, c’est la ligne de production Toyota.
Mais leur quotidien, c’est l’open space de La Défense,
où ils tentent de tracer des flux de valeur entre l’imprimante, le frigo collectif et la machine à badge.
La Sainte Trinité : 5S, Kaizen, et audit surprise
Tout commence par un 5S.
- On range les bureaux
- On étiquette les fournitures
- On jette tout ce qui n’a pas servi depuis 72 heures
Même le vieux Gérard, 63 ans de maison, a failli finir dans la benne “inutile”.
Puis vient le Kaizen quotidien, où chacun doit proposer une amélioration.
Peu importe qu’elle soit absurde : il faut remonter du terrain.
Enfin, l’audit qualité :
Un rituel mystique où l’on traque la non-conformité à la virgule près,
comme un inquisiteur traque l’hérésie dans une abbaye bénédictine.
Les tableaux de bord comme instruments de conversion
Un bon manager lean, c’est avant tout un prédicateur du reporting.
Le mur du service ?
Un sanctuaire couvert de graphiques, de courbes, de taux de non-valeur ajoutée.
L’équipe ?
Des croyants sous surveillance, sommés de commenter les écarts comme on confesse ses péchés.
Le lean, au service du salut… du coût
Car derrière la liturgie de l’amélioration continue,
se cache un projet plus modeste :
faire plus avec moins.
Ou plutôt, faire plus avec plus de pression et moins de reconnaissance.
Le salarié devient un rouage qu’on graisse à coup de standards,
et qu’on remplace dès qu’il vibre trop fort.
Conclusion : quand l’exigence devient dogme, le bon sens se fait excommunier
Oui, le lean a ses vertus.
Mais entre de bonnes mains.
Pas dans celles de fanatiques qui traquent le gaspillage humain avec la même ardeur qu’un comptable traque les agrafes en trop.
À force de vouloir tout optimiser,
certains finissent par réduire l’humain… à un facteur de variabilité à éliminer.
