Dans l’entreprise, la question du genre reste un impensé discret mais puissant. Si les stéréotypes sur les femmes dirigeantes font encore florès, qu’en est-il de la situation inverse ? Que se passe-t-il lorsqu’un manager homme est nommé à la tête d’une équipe majoritairement, voire exclusivement, féminine ?
Un rôle perçu comme “naturel” ?
Dans certains contextes, la nomination d’un homme à un poste de management semble aller de soi. Le poids de l’histoire, des normes de pouvoir et des rôles genrés attribue encore trop souvent aux hommes la capacité “naturelle” à diriger. Dans une équipe féminine, cela peut renforcer l’asymétrie symbolique : une autorité masculine sur des femmes, perçue comme “légitime”, mais potentiellement chargée d’ambiguïtés.
Un équilibre subtil entre autorité et proximité
Le manager homme devra naviguer dans un champ de tensions parfois invisibles :
- Être direct sans être perçu comme autoritaire ou condescendant ;
- Pratiquer l’écoute sans tomber dans le paternalisme ;
- Éviter les familiarités tout en gardant une posture humaine.
Il devra composer avec des attentes implicites différentes : une parole directe est parfois mieux acceptée entre hommes ; dans un environnement féminin, la manière de dire peut être aussi importante que ce qui est dit.
Des stéréotypes inversés à l’œuvre
L’homme manager peut aussi se retrouver pris dans un système de représentations inversées : il pourra être perçu comme “distant”, “technique”, voire “mal à l’aise avec les émotions”, dans une équipe où les formes de communication sont plus émotionnelles ou relationnelles.
À l’inverse, un manager trop attentionné pourra être soupçonné d’avoir des “favoritismes”, ou de “jouer le charme”. Le registre affectif, souvent attribué aux femmes, devient ici un terrain glissant pour un homme en position de pouvoir.
Le management genré, une réalité silencieuse
Le genre ne détermine pas les compétences, mais il façonne les perceptions. Ignorer la dimension genrée du management, c’est risquer de tomber dans des malentendus, des tensions non dites ou des conflits latents. À l’inverse, en l’intégrant consciemment, le manager homme peut :
- Travailler sur son positionnement : ni surplombant, ni séducteur, ni “super collègue” ;
- Nommer les éventuels biais ou tensions, sans maladresse mais avec clarté ;
- Promouvoir une culture d’équipe inclusive, où la parole est équilibrée et le pouvoir partagé.
Conclusion : manager, c’est aussi déconstruire ses évidences
Être un homme à la tête d’une équipe féminine n’est ni un handicap ni un privilège, mais un contexte particulier à penser. Cela demande de la finesse, de la lucidité et un certain courage : celui de se remettre en question, de s’ouvrir à d’autres modes relationnels, et de faire de la différence une force plutôt qu’un angle mort.
